mercredi 12 octobre 2016

A mes camarades de gauche - Pour ne pas se tromper d’époque

Ce sera donc Macron. Pas par défaut, ni en désespoir de cause. Ni même pour voter utile et faire barrage à la peste brune. Mais parce que c’est le choix de gauche aujourd’hui.
Mes raisons.

Une vision du monde tel qu’il est, aujourd’hui.

Son analyse politique part d’un constat : le monde a profondément changé, il faut s’y adapter au mieux.
Notre société vit encore sur les grandes fondations posées par le CNR, en 1945, réajustées en 1968. Ce grand compromis historique (qui n’exclut pas le conflit) a longtemps très bien fonctionné, adapté qu’il était au monde d’alors. Désormais, il dysfonctionne, inadapté qu’il est au nouveau contexte.
Pire, il est souvent entré en négativité. Ce qui devait protéger en vient à exclure et marginaliser. Une certaine pratique de l’égalité produit de l’injustice et creuse les inégalités. Des multinationales tiennent la dragée haute aux Etats. Les grandes questions ne se règlent plus au même niveau, internationalement.
Pour ne pas sombrer à moyen terme, pour conserver un avenir dans un environnement international très compétitif, il faut tout remettre à plat, jeter les bases d’un nouveau contrat social qui – si la gauche le veut, si elle s’en donne les moyens – préserve les valeurs auxquelles nous sommes attachés, selon des modalités nouvelles.
Il faut mettre de la justice, de l’égalité des chances, de la solidarité dans un système qui, alors qu’avant on cherchait la stabilité, favorise la fluidité, le changement, la mobilité et l’adaptation.
C’est tout l’enjeu de cette phase du combat politique.

Des candidats à l’ancienne

A droite, Fillon fait le constat que le modèle social craque de toutes parts, qu’il ne peut plus être financé, et propose de raboter, de diminuer, de réduire les prestations, les avantages, mais dans le même cadre, sans perspective autre que la potion amère. De la réaction pure.
A la gauche de la gauche, Mélanchamon restent aussi dans la continuité. Ils défendent coûte que coûte l’état ante, qu’ils promettent de préserver, de conserver tel quel. Comment ? Tout est bon, on emprunte, on distribue, on « prend aux riches », on se coupe de l’extérieur. Postures, rodomontades, coups de menton. En fait, ils se cantonnent dans l’ordre du désir, et le déni du réel. C’est beau comme l’antique, mais ça va dans le mur. Prenez gaarde ! Prenez gaarde ! Arrière-gaarde !!

Contradiction principale et contradiction secondaire

En fait, ce clivage anciens/modernes traverse toutes les familles politiques.
Il traverse la droite et le centre dans des nuances entre fieffés réactionnaires qui veulent tailler dans les avantages sociaux et les avancées sociétales, et des novateurs qui veulent une adaptation aux nouvelles modalités de production et d’échanges, mais avec un niveau de protection sociale minimum.
Le clivage est bien plus marqué à gauche, et remonte en fait à 1983, sur deux points : produire pour redistribuer (intégrer l’économie de marché) et faire le choix de l’Europe (prendre en compte les limites de la dimension nationale). Corollairement : exerce-t-on le pouvoir, pour impulser des choix positifs, même limités ? ou se cantonne-t-on indéfiniment dans la protestation en laissant les choses se faire ?
Le fait, depuis 1983, et surtout pendant ce quinquennat, de ne pas avoir assumé ce clivage et tranché, aboutit à une situation absurde de profonde et confuse division.
De fait, la contradiction essentielle droite/gauche, dans cette phase politique particulière, et dans la perspective de l’exercice du pouvoir, s’estompe derrière celle entre conservation/adaptation. On reste sur le logiciel ancien (devenu hors-réel, dogmatique) ou on trouve les formes politiques adaptées à une réalité nouvelle. Analyse concrète d’une situation concrète, et non nostalgiques postures et ressassage de mythes glorieux. Oripaux de discours qui cachent mal un conservatisme foncier et la pure résistance au changement.

Une démarche de rassemblement

Dans un tel contexte, si on veut peser sur l’organisation sociale en devenir, – et non la subir en bramant comme des veaux, ou assister impuissants à son démantèlement anti-républicain – il faut exercer le pouvoir pour définir la société de la mobilité solidaire, y participer de façon dominante pour obtenir des solutions qui intègrent les valeurs de gauche. Et dans l’immédiat : faire élire à la présidence un homme porté par un mouvement qui peut le permettre.
Macron ratisse large ? Il faut pouvoir réunir une majorité, et on ne le fait pas en excluant. Il faut pouvoir terminer en tête, ou second au premier tour. Rassembler suffisamment pour détourner du FN et de ses tentations nationalistes, anti-démocratiques, périlleuses, et pour battre une droite réactionnaire économiquement comme socialement, adepte de la souffrance imposée.
Y a-t-il du mal à recevoir des soutiens venant d’un large horizon du paysage politique ? L’important sont les axes politiques sur lesquels se font ces soutiens, et la fermeté avec laquelle ils sont maintenus et affirmés.
Faut-il rappeler que justement le Conseil National de la Résistance, qui a jeté les bases de notre société des 70 dernières années, rassemblait des communistes aux démocrates chrétiens, en passant par les socialistes et les gaullistes qui comptaient même parmi eux des individus d’extrème droite qui avaient fait le choix de ne pas collaborer ?
Une démarche de rassemblement n’est pas forcément une horreur pour quelqu’un de gauche, les exemples historiques sont là. Faut-il forcément une guerre ou une révolution violente pour s’y résoudre ? Sommes-nous incapables de négocier et d’opérer des changements structurels profonds – une « révolution » dit Macron – sans contexte dramatique ? Peut-on donner sa chance à Turgot ?

Les enjeux politiques

Mais rassemblement ne veut pas dire « tout le monde il est beau ». Car c’est dans le contexte d’une présidence Macron que se décideront les rapports de force, et les orientations majeures des compromis. Que reviendra, comme naturellement, le clivage droite/gauche, mais dans une problématique nouvelle, refondatrice.
Aurait-on oublié ce qu’est la politique ? Serait-on à ce point imprégné du monarchisme Vème république pour penser que le Président est tout ? Faisons lui crédit d’une sensibilité personnelle de gauche, et il vaut mieux que ce soit celle-là qui soit à l’Elysée qu’une autre. Mais quand bien même, et pour ceux qui seraient méfiants, voire qui penseraient le contraire : ce qui va compter, c’est la suite. Quels seront les équilibres de la prochaine majorité présidentielle (si, comme il faut le souhaiter, il y en a une). Comment s’établiront les équilibres ? de quels poids les forces en présence ? Les législatives vont être au moins aussi importantes que la présidentielle. Il est impératif – à mes yeux - que la gauche soit présente et forte, qu’elle puisse peser, non pas à reculons et par obstruction, comme une bonne partie l’a fait ces 5 dernières années, mais de façon innovante, portant des solutions pétries de ses valeurs. Il faut peser sur le centre de gravité du rassemblement derrière Macron.

En Marche !

Etre de gauche aujourd’hui, surtout pour ceux qui ont été acteurs des années 70 et 80, c’est regarder la réalité du monde et l’analyser tel qu’il est : tout a changé, et les certitudes, les recettes, les perceptions, les a priori doivent être remis à plat, revus, adaptés au nouveau.

Le déni, qui fonde l’approche dogmatique de toute une gauche « radicale », faite de postures, d’a priori jamais questionnés, de fantasmes glorieux et mythologiques, d’anathèmes, de diabolisations, que ce soit sous forme tribunitienne grandiose ou gentiment illusionniste chez Mélanchamon, ne mène à rien. Elle isole une bonne partie des forces de gauche, les jette dans une impasse, alors que, lucides, elles seraient bigrement nécessaires pour contribuer à définir et négocier le contrat social français du XXIème siècle.

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